Henri Maccheroni (1932-2016)

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Né à Nice en 1932, Henri Maccheroni débuta dans les années soixante avec de grandes toiles post-surréalistes, associant une forme d’abstraction biomorphique proche des automatistes québécois et certaines tendances surréalistes empreintes d’abstraction.

Travaillant par séries, il s’attache à interroger les mythes de la peinture occidentale : Eros, Thanatos, la Crucifixion, la Ville et la peinture elle-même comme fondement d’une écriture esthétique.

Durant les années soixante-dix, il pratiqua et théorisa un art socio-critique.

Cent cinquante livres jalonnent son parcours de peintre, photographe et graveur. Ils témoignent de ses nombreuses collaborations avec ses amis poètes et écrivains : Pierre Bourgeade, Michel Butor, Claude Louis-Combet, Jean-François Lyotard ou Raphaël Monticelli.

Crédit photo ©  Maxime Godard, Dans l’atelier d’Henri Maccheroni, Paris, 1995

HENRI MACCHERONI

Œuvrer dans les tremblements du monde

Raphaël Monticelli

Ecrivain et critique d’art

La démarche d’Henri Maccheroni a ceci de singulier qu’elle ne fait de la peinture ni une fin ni un moyen , mais un processus d’intelligence, une méthode d’interrogation et d’investigation, de rencontre et de dialogue qui met en oeuvre l’histoire et- dans une strate plus profonde- la quête de l’origine. C’est ainsi que l’artiste occidental Henri Maccheroni ne correspond pas à la définition courante de l’artiste contemporain. On le retrouvera plutôt du coté des débuts de la renaissance européenne, ou des créateurs des arts dits « premiers » pour qui l’art est justement un processus, une méthode de compréhension, et qui font de tout objet d’art une somme des relations entre les hommes et le monde.

Voici en quoi la démarche de Maccheroni est singulière : elle est portée par ces très profondes questions où se jouent notre vision, notre présence au monde, notre vie et notre mort.

Dans cette démarche, Henri Maccheroni rencontre les objets, les corps, les livres, les signes, les textes, les œuvres comme autant de jalons, d’énigmes qu’il convient d’interroger et intégrer dans le processus… Dans chaque œuvre d’Henri -peinture, photo, estampe- tremble l’eau des origines, se répandent les liquides aux densités et aux couleurs diverses qui s’attirent ou se repoussent, se mêlent et se rétractent, s’étagent les strates de matières, mettant au monde des formes premières, engendrant des interstices là où les formes se différencient, cellules pulsant, et baignant dans des lumières sourdes.
Henri Maccheroni ouvre en nous des émotions nouvelles, permet, à qui le souhaite, réflexion sur l’art et ses effets, méditation sur le monde et sur notre présence au monde. Henri a toujours été aux prises avec le monde, avec les images et les signes du monde, et son art est une longue et infatigable quête de ce mouvement à l’oeuvre au coeur même des choses.

Ce qui intéresse Maccheroni, c’est le tremblement particulier de la matière qui donne son origine au trouble et à l’émotion qui nous saisissent quand nous percevons que le monde des apparences tout à la fois se construit et se détruit à nos yeux ; et que la force qui le détruit est celle là même qui le construit.

01

Du figuratif au Post-Surréalisme

A ces débuts, Henri Maccheroni apprend la peinture en testant différents modes opératoires. Il passe, avec une grande habileté, de la figuration à une appropriation très personnelle du Surréalisme. Ces différentes hypothèses, que le jeune peintre envisage et teste, lui permettent de constituer son style. On devrait dire ses styles…
02

L'ARCHÉOLOGIE

Le regard sur le passé sont des thèmes fondamentaux de l’œuvre. Henri Maccheroni ne cesse, dans son travail, de s’intéresser, par des médias divers, à la chose archéologique, de façon explicite, en photographiant de grands monuments ou, implicite, dans des séries comme les « Pierres de temple » ou les différentes Égypte.
03

LA SOCIETE

Henri Maccheroni est un peintre engagé qui porte un regard à la fois lucide et juste sur la société. De ses « attitudes socio-critiques » aux grandes causes du XXe siècle, comme la Shoa ou la peine de mort, Henri Maccheroni ne cesse d’interroger la société dans toute son œuvre.
Henri Maccheroni © HenriMaccheroni.com
04

LA VILLE

La ville, et en premier lieu Paris et New York, est une source d’inspiration inépuisable pour l’œil acerbe du Maître. Plan, signalétique urbaine, bâtiments, cimetières, la ville passe devant l’appareil photo ou sous le pinceau d’Henri Maccheroni de façon récurrente dans son travail.

05

LA PEINTURE

Henri Maccheroni était fasciné par les grands Maîtres, de Léonard de Vinci à Picasso, en passant, bien évidemment, par Monet, Manet et Malevitch. C’est pour cette raison qu’il a bien souvent « annoté » et réinterprété l’histoire de l’Art.

06

EROS ET THANATOS

Le sexe et la mort, c’est-à-dire la « vie » et la mort, occupent une place centrale dans l’œuvre d’Henri Maccheroni. Si dans ce domaine, les « portraits de sexe » présentent une place centrale, de nombreuses créations constituent un travail singulier.

Regardez ces images : bien peu d’artistes ont eu le don de saisir le regard comme le fit Henri Maccheroni, et ce au travers d’une telle diversité de formes, de styles et de matériaux.

Jean Khalfa

Professeur d’Histoire de la pensée française

Trinity College de Cambridge

Quelle que soit l’œuvre ou la période de cette production incessante, nul ne résiste à cette fascination. Quel est son secret ? Au bord autant qu’au cœur des formes dont il joue, Maccheroni sait toujours révéler une prolifération de particules, d’aspérités, de singularités, comme en appel d’une forme désirée ou bien prophétisant la décomposition de celles qui ont été données. S’il commence avec le défini, il aboutit au grain et à la surface : l’architecture classique d’une villa impériale à Rome, ou bien les ruines de Tipaza sont photographiées sous des angles soulignant ensemble leur géométrie pure et la texture de leur décadence; les gratte-ciels de New York réfléchissent d’autres gratte-ciel, s’entrecroisant en réseaux qui donneront ensuite une série de peintures de surfaces minutieusement carrelées où la grille des photos se fondra dans des plans granuleux de gris argenté. Inversement, lorsqu’il se concentre sur l’apparence de l’informe il y révèle inlassablement des virtualités de sens.

Les sinuosités épaisses de l’écorce d’un tronc d’arbre soudainement fascinent, engendrant un visage, le plissement d’un sexe tatoué, le torse lacéré d’un de ses christs. D’une matière, d’une texture, ou d’une couleur, savamment agencées dans le travail avec le graveur nait directement la forme d’un signe possible et donc la virtualité d’un sens et d’une histoire. En leur présence étonnante ces images réfutent instantanément l’idée que l’absence soit au cœur du désir. La subversion de Maccheroni est celle d’un matérialiste (ou, comme il le dit, d’un matériologiste) : rien n’est au-delà pour lui, ou l’au-delà est tout entier ici. Inlassable, il ne cesse de re-produire ou de libérer dans ses séries picturales et au fil des pages des nombreux livres auxquels il a participé, toute la richesse d’un réel que les pouvoirs, le commerce, la religion n’ont fait que censurer, terriblement appauvrir. Dans ce qu’il appelait son archéologie du signe, dans l’apparente facilité mais aussi la remarquable maîtrise d’un artiste généreux, qui savait donner autant qu’apprendre à voir, tout ce qui est perçu désormais prend sens.