De l’humain à l’humanisme

Issu d’un milieu modeste rien ne prédisposait, dans son ambiance familiale, Henri à une carrière artistique complète embrassant la peinture, la photographie, la gravure et la bibliophilie dans une recherche intellectuelle intense.

Marc Ottavi

Spécialisé en peintures et sculptures des XIXe et XXe siècles

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Sans doute une réminiscence de ses lointaines origines florentines, terre des arts et l’effervescence qui régnait – dans les années 50 à Nice – avec Raysse, Arman, Klein… se sont-elles associées à son esprit de découverte pour le pousser à adhérer au « Club des Jeunes » (lieu de rencontre et de réflexion entre artistes, écrivains, musiciens, cinéastes dont Henri, par la suite, louera l’action).

La guerre d’Algérie lui laisse un goût d’amertume et d’incompréhension car dans ces moments terribles, la nature humaine se révèle en ce qu’elle a de meilleur ou de pire dévoilant sa vérité la plus crue.

La guerre d’Algérie lui laisse un goût d’amertume et d’incompréhension car dans ces moments terribles, la nature humaine se révèle en ce qu’elle a de meilleur ou de pire dévoilant sa vérité la plus crue.

Cette prise de conscience rapide et forcée se distingue dans sa peinture figurative où – hor- mis un couple de femmes légèrement érotique – les paysages, les ports et autres terres se trouvent dépeuplés de figures humaines, vidés de toute vie pour donner naissance à d’in- quiétants mondes irréels.

Voyageur, Henri renoncera et regrettera de ne pouvoir se rendre, à nouveau, sur les pas d’Albert Camus en Algérie – après l’assassinat, en 2014, d’Hervé Gourdel – lui aussi natif de Nice.

Henri aurait pu être un peintre figuratif ou abstrait, il en a le métier, la technique mais non le désir. Et la photographie l’attire ! Vers 1970, à la sortie d’un restaurant de Montparnasse, une relation le présente comme peintre à l’écrivain Pierre Bourgeade qui s’enquiert de son travail. Bravache, notre jeune homme lui annonce prendre « 2 000 photographies du sexe d’1 femme ». Le célèbre critique d’art visite, dès le lendemain, son minuscule atelier et l’en- courage à poursuivre (cf. texte p. 195). Il en naîtra plusieurs ouvrages de collaboration. Com- ment ne pas voir l’influence de Courbet dans cette représentation de L’Origine du Monde, laquelle fut conservée des années durant chez le psychanalyste Lacan, derrière un rideau qu’il ouvrait pour de rares visiteurs.

Henri aurait pu être un peintre figuratif ou abstrait, il en a le métier, la technique mais non le désir. Et la photographie l’attire !

 

Offertes au public dans une large diffusion, les 2 000 photographies répétées du sexe d’une même femme ne recèlent aucune pornographie, voire aucun érotisme mais une frontalité crue sur la féminité mise en valeur par un cadrage serré et une prise de vue rapprochée, sous tous les angles possibles. Ce détournement de sens qui fait passer le sujet – de sexe à l’évo- cation de la féminité – est utilisé par Henri dans ses « Portraits corrigés », qui substitue une vulve aux visages très connus des tableaux iconiques de l’Histoire de l’art (cf. p. 104).

De L’Origine du Monde à l’étude des civilisations originelles de l’homme, il n’y a qu’un pas qui sera franchi, en 1974, et abondamment développé dans la série des « Archéologies ».
En 1975, la rencontre Butor-Maccheroni est déterminante pour la poursuite de son œuvre , car se développe alors une collaboration « réflexion-poésie-peinture-amitié » qui durera toute une vie.

Thème largement abordé, l’« Archéologie » est conduite à travers des recherches sur les reliefs géologiques, l’habitat ancestral ou l’étude de villes contemporaines ou bibliques.

Au bénéfice d’une recherche sur les civilisations disparues, leurs ruines et leurs structures, le primitivisme est mis en face de l’espace urbain passé ou présent afin d’en définir – à travers des traces résiduelles – les caractères communs que laissent chaque période, chaque culture.

On comprend, dès lors, l’utilisation permanente de séries visant à la « déconstruction-recom- position » d’un sujet et son étude par tâtonnements successifs et intuitifs afin d’en définir une unité ou un langage simplificateur. Parmi les thèmes abordés – seule exception – ses gros plans photographiques de sexe qui, après 1974, ne sont pratiquement plus repris ou sériés alors que tous les autres chapitres sont élargis et enrichis à toutes les époques.

La ville est un autre terrain d’étude dont Henri dépouille l’apparence pour n’en garder qu’une symbolique. Tous ces sites : Paris, New York, Jérusalem, Louxor, Terra Amata… se traduisent par des représentations synthétiques « Défense d’afficher, croisements, stèles, pierres de tem- ple, tags ou graffitis », en un enchaînement associé au sujet et révélateur de leurs particula- rismes (cf. p. 152 et 158).

En forme d’alphabet plastique associant une base de sept matières et de trois signes de forme basique pouvant se combiner, la « Matière-signe » est la réponse et le prolongement naturel des « Archéologies », sa suite logique comme le sont les « Vanités » ou Memento mori meublés d’étrangetés et de petites femmes à la vertu dénudée.

Chronologiquement, plaisirs, passions et enfers tutoient les « Christs » en un cœur… suivant l’âge de raison.

Les « Attitudes socio-critiques » sont pour Henri « engagement et cause à défendre » et nous sommes peu de temps après l’explosion de Mai 68 qui a profondément modifié la société, ouvrant la porte à une remise à plat des hiérarchies, des rapports sociétaux, de la sexualité et, bien sûr, une condamnation des exécutions capitales.

En 1973, dans son « Cadeau pour les partisans de la peine de mort », l’artiste se place dans le camp d’en face pour mieux le combattre et en reprend même l’argumentaire pour le tourner en dérision. Deux bocaux sont remplis à l’imitation du sang, le troisième, vide, at- tend sous forme d’invitation. Ce sera l’exécution, trois ans plus tard, de Christian Ranucci pour le meurtre de Marie-Dolorès Rambla.

Dans la même quête sociologique, « Les Gaines », « Les Parcmétries », « le féminin » sont classés en sujets d’étude. Ses méditations sur la condition humaine sont abordées dans les « Christs », les « Crânes et Vanités » ou « Nymphéas-méditation », suivant le cours de sa vie et son évolution.

Fruit d’une réflexion et d’une représentation plastique, les créations d’Henri Maccheroni, le méditérranéen, suivent ses pensées et ses questionnements d’homme.

D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ?

Marc Ottavi

Spécialisé en peintures et sculptures des XIXe et XXe siècles